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Grand Format : 2016, l’année de tous les changements

Une année est sur le point de s’achever pour une autre dans quelques jours, l’occasion de revenir sur ce qui a marqué cette année pour les chaînes info.

Un véritable champ bataille pour iTELE

Comment ne pas débuter ce papier, par iTELE qui a marqué cette année, notamment par une grève de 31 jours, une première pour une chaîne privée.

Une rédaction demandant un peu plus d’indépendance, avec la nomination d’un nouveau directeur de rédaction, la définition d’une ligne éditoriale avec l’arrivée de CNEWS et la suspension de Jean-Marc Morandini, après les révélations autour d’une websérie graveleuse qu’il a lui-même produit.

Mais l’histoire d’iTELE est avant tout celle d’une mise au pas, par Vincent Bolloré, nouvel actionnaire majoritaire de Vivendi, propriétaire de Canal+. À son arrivée, le milliardaire breton place Guillaume Zeller à la tête de la rédaction, un de ses fidèles. Il promet de réinjecter de l’argent pour relancer la chaîne face au bulldozer, BFMTV. Paroles, paroles…

Quelques mois plus tard, changement de stratégie : iTELE doit faire des économies pour espérer retrouver un équilibre d’ici 2018. Suppression de la pré-matinale, des magazines tels que « CQFD » ou « D’un monde à l’autre », réduction drastique du direct, qui fait le sel d’une chaîne info et surtout le non-renouvellement des contrats précaires soit 50 départs. Vincent Bolloré décide de nommer Serge Nedjar le 24 mai dernier au poste de directeur général d’iTELE, chargé aussi de faire passer toutes les nouvelles mesures décidées par l’état-major de Canal+.

Alors que les rumeurs vont bon train concernant une possible vente de la chaîne info, une première motion de défiance est votée par la majorité de la rédaction. En cause, une rédaction en auto-gestion depuis le départ de Céline Pigalle. Dans la foulée, le 29 juin, une grève est votée. S’en suit un bras de fer pendant trois jours entre la rédaction et la direction : signature d’une charte éthique garantissant l’indépendance dans le traitement de l’information ; la définition d’une ligne éditoriale claire ; et surtout le sauvetage d’un maximum de contrats sur les 70 non-renouvellements annoncés, et pouvant menacer le bon fonctionnement du canal 16.  À l’antenne, des reportages remplacent les programmes habituels.

Malgré tout le mercato est mouvementé à iTELE :  à commencer par Bruce Toussaint, le matinalier qui était l’une des têtes des gondoles de la chaîne vient d’accepter la co-présentation de « C dans l’Air » sur France 5, en remplacement d’Yves Calvi, puis Claire Fournier, qui n’aura pas le luxe de faire une dernière chronique éco pour l’occasion, Laurent Bazin préfère quitter le 5h/7h, qui ne sera pas reconduit en septembre pour des raisons budgétaires, tout comme l’émission crée par Léa Salamé et Marc Fauvelle : « On ne va pas se mentir » et repris depuis par Audrey Pulvar.

Pour la rentrée, Canal+ planche sur un nouveau nom : CNEWS. Promis depuis le mois de septembre 2015, ce nom censé est le symbole d’un nouveau départ, pour une chaîne totalement en panne. Pour la rentrée, peu d’évolutions sur la grille, mais l’annonce d’une arrivée qui fera ensuite grand bruit : celle de l’animateur Jean-Marc Morandini, chargé de booster le 18h/19h. Laurence Ferrari perd une heure d’antenne en soirée, après des audiences décevantes. La matinale est confiée à Florent Peiffer.

À quelques jours de la rentrée, Guillaume Zeller est débarqué. Serge Nedjar récupère son poste et Jean-Marc Morandini est suspendu après les révélations des Inrocks. Amandine Bégot, hérite alors d’un grand 17h-19h. Le 29 août, iTELE entame sa rentrée sous haute tension, la Société des Journalistes n’ayant aucune réponse de Serge Nedjar sur les garanties d’une indépendance de la rédaction.

Le 7 octobre 2016, la direction de Canal+ annonce avec surprise, l’arrivée de Jean-Marc Morandini le 19 octobre, avec « Morandini Live ». Consternation et colère au sein de la rédaction, qui demande un retour en arrière sur la décision prise. Énième refus de la part de l’état-major de la chaîne, arguant la présomption d’innocence du journaliste. Trois jours plus tard, une seconde motion de défiance est votée par la rédaction d’iTELE, avec cette même question : « Faites-vous confiance à Serge Nedjar et Virginie Chomicki pour diriger iTELE (bientôt CNews), pour faire progresser les audiences de la chaîne et garantir son image de sérieux, de rigueur et de crédibilité ? »

Qu’importe cette motion de défiance, iTELE confirme et avance même l’arrivée de l’animateur au 17 octobre. Cette provocation est de trop pour la rédaction qui décide de voter une grève illimitée. Malgré une interruption des programmes, le journaliste d’Europe 1 fait malgré tout sa première émission en compagnie de Rachel Bourlier. Un véritable fiasco, notamment en dupant les téléspectateurs sur les intervenants. L’émission tiendra une semaine, avant un report fixé à l’issue de la grève.

Au fil des jours, le conflit s’enlise : la direction reste sourde aux revendications des grévistes n’hésitant à provoquer en décidant, sans aucune consultation, de déménager une partie de la rédaction à l’étage en dessous pour accueillir le quotidien gratuit, Direct Matin, détenu par un certain… Vincent Bolloré. En envoyant à la poubelle une partie des affaires personnelles des journalistes.

Au bout d’eux-mêmes, les grévistes obtiennent, après 31 jours, la signature d’une charte éthique, sous la pression des pouvoirs publics (loi Bloche), la nomination d’un directeur de l’information adjoint, Serge Nedjar conservant sa double casquette. Morandini est maintenu dans une grille totalement floue.

Depuis, la chaîne connaît une vague de départs sans précédent. Ils étaient 180 journalistes au début de l’année, ils ne sont plus qu’une vingtaine aujourd’hui. L’antenne reprend petit à petit, mais iTELE n’est plus capable d’assurer un breaking news, par manque de moyens. Jusqu’au changement d’identité (prévu pour le printemps), elle comble son antenne par la rediffusion de reportages, réalisés aux quatre coins du monde, avant la grève. La page iTÉLÉ est désormais fermée, dans l’impuissance générale. Une chose est sûre #JeSoutiensiTELE restera un symbole de la défense d’une liberté d’information.

Le renouveau LCI

Après des années de recours et de négociations avec le CSA, le dernier coup pour Nonce Paolini aura été de mettre sa chaîne info sur la TNT gratuite. Ce sera le cas, le 5 avril dernier sur le canal 26. Pour se différencier de la concurrence, LCI consacre 30% de son antenne aux journaux et le reste aux magazines et aux débats en plateau.

Pour réussir ce numéro d’équilibriste, Catherine Nayl, directrice de l’information de TF1 fait appel dans un premier temps à Nicolas Charbonneau. Ce dernier nommera Céline Pigalle dès le 21 mars, pour diriger la nouvelle rédaction rassemblant LCI, Métronews et MyTF1News.

Le duo s’avère être un échec. Après seulement quelques mois, l’ancienne directrice d’iTELE ne trouvera jamais sa place entre la direction de LCI et la direction de l’info de TF1 : elle décide de quitter la chaîne à la fin du mois de juin, après sa période d’essai.

Symbole du changement voulu par le CSA, Valérie Expert figure depuis 16 ans et qui tenait une émission quotidienne depuis la rentrée de 9h30 à 11h00 est débarquée, sans aucune explication. LCI est alors en panne et les ajustements se font petit à petit jusqu’au renouveau prévu pour la rentrée 2016.

Première pierre, le recrutement de Thierry Thuillier, l’ancien directeur de la rédaction passé par iTELE ou encore France 2 devient directeur de la chaîne, le 21 juillet dernier. Il remplace ainsi Nicolas Charbonneau, qui lui est remercié. L’éphémère directeur des sports à Canal+ nomme dans la foulée Éric Monier, directeur de la rédaction.

Pour cette rentrée et en vue des événements en politique qui attend le pays pour 2017, LCI décide de tout changer pour plus de proximité et marque un grand coup, au début du mois de mai, en recrutant Yves Calvi, présentateur de  « C dans l’air » sur France 5 depuis… 2001 ! Sa mission : dynamiser le 18/20 avec « 24 heures en questions ». Le concept est très simple, comme pour « C dans l’air », Yves Calvi réuni plusieurs invités pour débattre d’un thème sur l’actualité. Le matinalier de RTL profite également de cet espace pour proposer un face-à-face avec un expert et évoquer avec lui l’actualité du jour.

Deuxième arrivée, celle de François-Xavier Ménage, présentateur de « Capital » sur M6. Le journaliste, passé par BFMTV, se voit confier le 6h/9h de la chaîne, la case la plus stratégique pour une chaîne info. Le journaliste s’inspire de la « Team Toussaint » sur iTELE en constituant une équipe. Hortense Villatte est propulsée à la présentation des JT, la dessinatrice Louison donne son coup de crayon quotidien sur l’actualité, Audrey Crespo-Mara mijote les politiques en face à face en lieu et place d’Arlette Chabot.

Bénédicte Le Chatelier hérite d’un grand 9/12h, avec Christophe Moulin pour  « La Médiasphère » en quotidien. Le duo du soir, Philippe Ballard et Marie-Aline Meliyi, passe du soir à la mi-journée avec « LCI Midi ». Enfin, la tranche du soir est confiée à Julien Arnaud et Rebecca Fitoussi avec « Le Grand Soir ».

On peut aussi noter l’arrivée d’Adrien Gindre, venu de BFMTV pour prendre la tête du pôle France de LCI, regroupant la politique, l’économie et police-justice.

Tous ces changements sont accompagnés d’un nouveau décor avec une table centrale, une mezzanine et un coin salon propice aux confidences avec les invités, une première pour une chaîne info.

La formule semble convaincre les téléspectateurs, LCI était à 0,6% de PDM, en novembre dernier, profitant de la grève à iTELE. Pour 2017, la chaîne info poursuit sur sa lancée, faisant quelques ajustements : le recrutement d’Amandine Bégot à LCI Matin, à la place d’Hortense Villatte ; la déclinaison de « 24h en questions », le samedi avec Bénédicte Le Chatelier ; ou encore la fin du « #Club26 » de Grégoire Margotton à quelques semaines de la présidentielle.

franceinfo, l’info made in service public

C’est la petite dernière dans le monde des chaînes infos, franceinfo qui a vu le jour le 2 septembre dernier, voulu par Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions et Mathieu Gallet, président de Radio France. Les deux identités avec France 24 et l’INA se réunissent pour donner le meilleur de l’info, sous un angle nouveau. Très vite, Stéphane Dubun est nommé directeur de la chaîne et Cécilia Mériguet chargée de la partie numérique.

Pour présenter les différentes éditions, il est décidé que le plateau sera installé au cœur même de la rédaction sous l’atrium de France Télévisions, avec au milieu un canapé (tiens comme LCI). Côté programmes, trois grandes tranches d’info rythment la journée : le 6h-9h30 avec Laurent Bignolas et Karine Bastie-Régis, le 18h-20h de Louis Laforge et Soraya Kaldoun et enfin le 21h30-Minuit pour clore la journée en compagnie de Myriam Bounafaa et Julien Benedetto.

Fait nouveau, face aux autres chaînes info, franceinfo propose un rappel des titres toutes les 10 minutes, préparé par la Maison de la radio, des modules autour de l’actualité et reste en direct toute la nuit, grâce à la diffusion de France 24 entre 00h00 et 06h00.

Pour l’heure, l’audience reste confidentielle avec seulement 0,3% de PDM, mais c’est un succès côté numérique, l’une des priorités pour Michel Field, directeur de l’information de France Télévisions. Le site franceinfo.fr est placé troisième site info de France en septembre 2016, rassemblant 14,1 millions de visiteurs uniques sur les trois écrans : ordinateur, tablette et smartphone.

Pourtant, certaines décisions cristallisent encore les rédactions télé et radio, notamment pour relancer le canal 27, France Télévisions aurait choisi de supprimer deux rappels des titres par heure, et confier le journal à la demi-heure à Radio France. Impensable pour la SDJ de la radio publique, estimant que sa rédaction est délaissée au profit de celle de France Télévisions. Des discussions sont actuellement en cours pour tenter de trouver un terrain d’entente.

BFMTV confirme son leadership et entre dans la cour des grands

BFMTV ne cesse de battre des records d’audience avec 3% de PDM en novembre 2016. Fort de sa grille des programmes, la chaîne info choisie la continuité à quelques mois de l’élection présidentielle en s’appuyant sur Ruth Elkrief, Christophe Delay, Pascal de la Tour du Pin, Olivier Truchot, Alain Marschall, Nathalie Lévy ou encore Jean-Baptiste Boursier.

Malgré tout, le groupe Next Radio TV continue de grandir et est rentré dans la galaxie SFR au premier semestre 2016. Son capital a été racheté à hauteur de 49% par Patrick Drahi. Ainsi, la première chaîne info fait désormais partie du pôle SFR Média au même titre que BFM Business, BFM Sport ou encore la petite dernière BFM Paris.

C’est sans doute grâce à ce rapprochement que Christophe Barbier qui était jusqu’ici sur iTELE est embauché pour intégrer l’équipe de « Première Édition », en août dernier comme éditorialiste politique. – Christophe Barbier était directeur du magazine L’Express, appartenant également à Patrick Drahi

Les changements en cette année 2016 viennent du côté de la direction. Depuis 2005, le duo Guillaume Dubois et Hervé Béroud étaient aux commandes de la première chaîne info de France. En juillet dernier, les choses se bousculent, Guillaume Dubois devient Directeur général en charge des contenus, de la stratégie éditoriale et du digital de SFR Presse. Il laisse ainsi sa place à Hervé Béroud.

Pour lui succéder au poste de directeur de la rédaction, Hervé Béroud pense à Céline Pigalle, passée par iTELE et LCI. Après des mois de rumeurs, l’ancienne directrice de l’info à Canal+ est officiellement nommée à ce poste le 22 décembre dernier.

Pour de nombreux français, aujourd’hui, le réflexe BFMTV est immuable lorsqu’il se passe quelque chose. Avec 3 % de PDM, il sera difficile de la dépasser en 2017, tant l’avance est énorme. Aux autres chaînes de proposer une nouvelle façon de consommer l’information, c’est l’un des paris de LCI et de franceinfo. Une question reste toutefois en suspens : il y a-t-il trop de chaînes info en France ? Pour avoir une réponse concrète, il va falloir attendre encore quelques mois ou années…

M.A.

Crédit photo : Xavier Lahache / iTELE

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Martin A.

Hier, directeur adjoint de Plus d'Info. Aujourd'hui, rédacteur adjoint en charge de l'actualité sur les groupes CANAL+ et L'Équipe.

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